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964 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Car nos souvenirs d'enfance nous gouvernent toute la vie : qu'entre le dessin du présent et ces anciennes figures à demi-oubliées le lien de filiation vienne à être rompu, un manque, un douloureux flottement nous avertit aussitôt que de vieilles mains nous soutenaient, invisibles, qui ne sont plus là....

C'est, durant des jours et des nuits, parcourue au galop rustique de trois petits chevaux hérissés, relayés sans cesse et toujours pareils, et, chaque jour et chaque nuit, s'enfonçant davantage au cœur d'antiques forces, la même piste berceuse, indéfiniment rayée d'étroites bandes parallèles de poussière et de gazon.

Les sabots des bêtes, à chaque fiaulée, disparais- sent tout entiers, avec un bruit mat, dans une cendre ocreuse qui répand sa teinte uniforme sur l'attelage et sur le voyageur.

Et souvent, quand l'heure est illisible dans le ciel voilé, midi et minuit se confondent ; ou bien, quand l'atmosphère est pure, le soir se traîne si longtemps qu'il rejoint l'aurore....

Ailleurs un grand fleuve décoloré par une exces- sive lumière semble dormir, exténué de chaleur.

Le silence, du haut de la rive escarpée, tombe avec l'ombre des sapins, resserré, opprimant, mais, sur la rive basse, il s'étale tout en surface éblouissante, car, de ce côté, le regard mille fois plus vite que l'hirondelle rase l'étendue des

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