938 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
ses poèmes, Mézières, Caro ni Bossert ne sont des guides suffi- sants. L'érudition allemande n'a laissé dans l'ombre nul côté du sujet ; mais aucun ouvrage d'ensemble n'a jusqu'ici résumé, à l'usage du public français, les résultats d'innombrables recher- ches. M. Loiseau n'a pas reculé devant cet énorme travail. Sa thèse nous offre un trésor de faits clairement ordonnés, et d'idées mises à l'épreuve d'une critique attentive. Elle nous fait suivre pas à pas le développement d'un génie tendant vers l'équilibre et la clarté ; elle définit ses progrès, ses conquêtes, par des formules heureuses, soutenues d'abondantes citations. Cependant la richesse du détail, l'exactitude biographique, le souci de rapporter chaque réflexion à sa date précise, d'en expliquer l'origine, de signaler à cet effet toutes les expériences tentées, toutes les influences subies, — tout cela n'aide pas le lecteur à saisir la liaison interne qui, de tant de pensées diverses, fait ne disons pas " un système," mais un type de sagesse original et cohérent. Oui, souvent les arbres cachent la forêt : plus l'en- quête de M. Loiseau était minutieuse et complète, plus il a dû craindre les déformations et les simplifications arbitraires qui sont le danger de toute synthèse. Ce scrupule n'aura plus de raison d'être, une fois l'analyse achevée ; et nous comptons bien trouver, à la fin du second volume, des conclusions s'adres- sant moins aux spécialistes qu'à tous les esprits soucieux de culture.
Ceux-ci pourtant perdraient beaucoup à retarder jusque là leur lecture, puis à s'attacher aux conclusions seules, en négli- geant les preuves qui les préparent. Sans doute, c'est à leur intention que je me suis permis naguère de préférer une méthode plus hardie et moins scientifique. J'ai cru devoir con- centrer, fût-ce à l'excès, l'image de la pensée goethienne, en marquer seulement les traits les plus durables et les plus forts, afin de lui garder ainsi plus de valeur exemplaire. Ce dessein imposait de nombreux sacrifices ; je ne pouvais me les repro- cher, mais je les regrettais et m'en console mieux, à présent
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