Page:NRF 8.djvu/943

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 935

fait des difficulté à la conscience, mais elle l'aguerrit. Elle est le plus redoutable de ces " obstacles " dont Vauvenargues dit qu'il faut que le monde soit plein, étant " ce qu'il doit être pour un être actif. " L'analyse ne dessèche pas une âme vrai- ment forte : elle l'approfondit, elle l'enrichit. Elle " sert à l'acte comme la visée sert à la flèche," ainsi que le remarque Agathon. Et, précisément, c'est de " visée " (Flaubert aimait à répéter ce mot-li) que manquent le plus souvent les essais des jeunes. L'une de leurs principales erreurs est, à mes yeux, de ne pas s'accorder le loisir de se reconnaître, de ne pas attendre assez longuement l'éveil de leurs facultés authentiques, de ne pas écouter le murmure de leurs arrière-pensées ; et, sans con- naissance, sans guide, pressés par un " besoin de réalisation " qui est souvent, en art, le plus dangereux conseiller, de se lancer dans la création sur les indices d'une beauté trop peu farouche. Ces jeunes gens, qui ont quelque chose k dire, feront des œuvres, le jour où ils ne se contenteront plus de convictions trop récentes et d'audaces trop précipitées, de données trop simples, de vérités trop abstraites, qui leur paraissent éclatantes parce qu'elles sont dépouillées de l'enveloppe du réel.

J. C.

SUR LA VIE, par JnJré Suarès (Emile Paul).

Il ne m'appartient pas en ce lieu, il n'appartient plus à la Kouvelk Revue Françaisey de louer Suarès. Cette note n'a point d'autre but que de signaler un beau livre où se trouvent groupées les chroniques que l'auteur publia, de içioàiçii, dans la Grande Revue. Les genres les plus divers et les tons les plus variés trouvent place dans ce recueil : de l'indignation à la rêverie, de l'analyse à la satire, du symbole voilé à la confidence abrupte, du lyrisme intime â la peinture la plus objective. Partout, la calme illumination d'une intelligence à qui la passion prête les moyens du cœur : passion de se donner pour

�� �