Page:NRF 8.djvu/914

Cette page n’a pas encore été corrigée

906 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de poèmes.Certes je formulerais maintes réserves sur le Carnaval des Enfants ; mais en dépit d'un symbolisme puéril, d'un jeu dé- plaisant d'antithèses, d'une certaine fausseté dans le cœur même du sujet, ce fut pour tout le monde une surprise heureuse. Pour la première fois M. de Bouhélier construisait une pièce, narrait une action, entrevoyait des caractères et se montrait capable de nous émouvoir. Car, à la vérité, à plusieurs reprises, nous fûmes émus. Un tel pas en avant nous fit espérer davan- tage. Pourquoi le prochain roman de M. de Bouhélier par exemple laissant bien loin derrière lui rUistoire de Lucie et la Route Noire n'aurait-il pas la plénitude, le suc d'une forte maturité ? C'est à sa volonté que nous faisons désormais con- fiance après avoir espéré tout du don. Le malheur veut, je le répète, que ce soit à propos d'un livre de poèmes qu'il faille que je parle de lui !

Le don verbal qui sut nous étonner dans les premiers ouvrages de M. Saint Georges de Bouhélier, et qui se déployait savoureusement dans une prose musicale à la manière de Bernardin de Saint Pierre, mais transpercée de soudains éclairs à la Rimbaud, semble n'avoir jamais gagné à s'enfermer dans le cadre fixe du vers — car c'est exclusivement le vers régulier que M. de Bouhélier manie. La grandiloquence qu'il affec- tionne y perd l'élan de cette cadence pathétique que nous reconnaissions comme sa marque. La Chanson de PHomme vient aujourd'hui après Eglé ou les Concerts Champêtres et les Chants de la Vie Ardente confirmer notre impression. Le rhythme frappé, tonique et dansant de Signoret, ou si M. de Bouhélier préfère, d'Abadie, dominait ses premiers recueils ; on y trouvait aussi l'éclat précis et dur de leurs images, avec je ne sais quel désordre mal harmonisé à tant de rigueur et qui semblait moins inspiré que volontaire. La note juste et personnelle manquait étonnamment dans ces exercices brillants. — On pouvait espérer que le métier du poète, du moins, en retirerait quelque bénéfice. Mais voilà qui n'apparaît pas, hélas ! dans ce nouveau recueil.

�� �