884 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
qui diminue le Héros, ou le refrène, ou le subjugue. Il veut contre Rome même, sa chère Rome.
Il veut enfin contre la nature. Là, le devoir est la folie de la volonté. L'amour ne lui est rien, s'il ne faut tout vaincre pour aimer, et l'amour même. Des cadavres sacrés séparent les amants. Et pour finir, dans son plus rare chef-d'œuvre, il inspire un héros qui confond sa volonté dans la volonté divine, et qui veut Dieu, son Dieu, contre tous les hommes et tous les dieux.
Tel est Corneille, tel est ce rêveur d'empires, ce vainqueur de toutes conquêtes, ce dominateur taciturne. Voilà comme il se paie lui-même de porter sagement le rabat, un chapeau de feutre usé sur les sourcils, et de vieux souliers qu'il fait ressemeler au coin de la rue, attendant, le pied sous le bas, dans l'échoppe. Et voilà comme ce bourgeois sans apparence, si humble avec les grands, si courbé devant les riches, quémandeur sans dignité, voilà comme il se venge de n'être rien. Dans sa tête, sur le théâtre de la volonté la plus sévère, il est maître du monde, tant qu'il veut, César, empereur magnanime, roi des rois, Cid victorieux, général triomphant, saint enfin, toujours le plus fort, toujours vainqueur. Il est tout ; et il a tout. 11 ne cède qu'à Dieu ; encore est-ce en tonnant.
Ce Corneille là est le héros et le poëte de son
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