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SEPT HOMMES 867

toi... Qui expliquera ces singuliers mouvements? notre fureur amoureuse, d'abord, puis le sommeil de notre mé- moire, et surtout, quand la vieillesse s'implante, un aussi déchirant réveil ?... Et la fièvre des ressouvenances allume en moi une brûlante soif de te retrouver, de te recon- naître. .. Florence, il est vengé, celui dont nous ne parlions que la tête basse !...

Mais quel spectre sort de ce tombeau... Le sépulcre de ton coeur, piteux vieillard, rejette tousses linceuls... et cette image que tu vois se dressant et qui, jusqu'à cette nuit, t'avait épargné son retour, a de quoi t'épouvanter. .. Connais-tu son nom, encore ? O oui,... oui, et les souve- nirs les plus vivaces accompagnent sa lointaine figure,... des souvenirs qui ne s'affaiblissent pas d'avoir dormi trente ans... Gabrielle, ma fiancée !...

J'ai beau tourner, comme un dément, par toutes les chambres, je ne chasserai pas cette suprême angoisse : elle se tient devant moi, l'enfant mignonne dont mon adoles- cence s'éprit et à laquelle, par une nuit d'août, sur les bords d'un lac lunaire, des serments m'ont engagé. Sa voix, aux molles inflexions, chante toujours un ingénu Credo. Je l'entends répéter : " Dix ans, s'il le faut. Je vous attendrai dix ans ! " Et, grave et pur, apparaît son profil sur l'ombre de ce rideau...

Mais j'ai fui, j'ai rejeté cet unique amour pour courir une basse aventure ; j'ai fui... et, parjure, j'ai vécu mon existence sans elle. Pourtant, qu'ils étaient doux, les yeux noirs qu'elle me laissait souvent baiser, au cours de nos promenades, dans un fléchissement câlin de son cou ! quel goût frais je trouvais à ses lèvres ! quelles promesses dans sa naïveté, dans ses enfantillages quels trésors ! Rap-

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