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80 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Ma foi, je suis chargée comme la bourrique du diable.

On l'appelait la Frisée, non qu'elle le fût au petit fer ou de naissance, mais parce qu'elle était la femme du Frisé qui frisait comme un vrai mouton. Elle travaillait chez les autres quand l'occasion s'en présentait. Depuis l'arrivée de Ponceau, elle passait tout son temps chez Cougny, arrivant à sept heures du matin et partant le soir quand on avait fini de dîner, jamais avant neuf heures. Grande et forte femme, forte en gueule aussi, ni la besogne ni les plaisanteries ne lui faisaient peur. Elle n'aimait pas les mijaurées, les pimbêches, les dévotes. Elle était chez Cougny comme un poisson dans l'eau. Elle ne mettait pas plus les pieds à l'église que l'âne de Mathé. — Car il y avait dans la petite ville, comme termes de com- paraison, en plus de la bourrique du diable, l'âne de Mathé, non le voiturier, qui disposait de plusieurs chevaux, mais Mathé le meunier. — On tâchait de savoir par elle ce qui se passait chez Cougny, mais c'était une fine mouche et elle répondait :

— Est-ce que je sais, moi ? Je fais mon ouvrage. Je n'en cherche pas plus long. Tout ce qu'il y a de sûr, c'est que c'est du brave monde.

Mais on la voyait traverser les rues, revenant du mar- ché, de la boucherie, de l'épicerie, toujours chargée comme la bourrique du diable. C'était suffisant pour que l'on sût que personne chez Cougny ne mourrait de faim, surtout depuis que le fameux cousin était arrivé.

— Qu'est-ce qu'il fait à Paris ? C'est donc un mon- sieur riche ? Alors, puisque c'est son cousin, elle serait aussi d'une famille riche ?

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