Page:NRF 8.djvu/837

Cette page n’a pas encore été corrigée

SEPT HOMMES 829

��III

Valentin

— Aimez-vous vos rêves r Méditez-vous, parfois, les idées décousues, charmantes ou terribles, qui voltigent en vous aux heures magiques du sommeil ?

Le plus souvent, on les dédaigne. On sourit de leur naïveté, on en rejette l'horreur dans un haussement d'épaules. A l'air cavalier dont un chacun les relance au grenier des billevesées, on soupire après les oracles que les bonnes gens d'autrefois y recherchaient.

Je dois à mes rêves le grand émerveillement, le feit le plus extraordinaire de ma vie intérieure. Voici :

Au temps de ma pleine jeunesse, je rêvais chaque nuit. Mes songes, très divers, gais ou tristes, fantastiques, voire même raisonnables, m'amusaient. Déjà, je goûtais peu le théâtre, où toute parole sonne faux ; je n'aimais pas les romans, copies imparfaites de la vie banale ; je me 2:arais des constructions métaphysiques, échafaudages branlants de Babels dont on n'achève jamais les fondations. Seuls, mes rêves me séduisaient. Ils me tenaient lieu de tous les autres ouvrages de l'esprit.

Souvent, j'essayais de conter à des amis ou de retrouver, pour mon propre agrément, ceux que j'avais faits la veille. J'apportais à mes narrations le plus grand soin, une exces- sive minutie. Mais alors même que mes songes paraissaient

6

�� �