Page:NRF 8.djvu/829

Cette page n’a pas encore été corrigée

SEPT HOMMES

��821

��sachant qu'implorer du geste de la main tendue ou de la quémande des yeux ; tous, professionnels de la misère ou pauvres honteux, s'ils viennent à m'approcher, jubilent pendant longtemps...

Oui, je fais le bien. Mais la tiède satisfaction que j'en retire subsiste-t-elle au prix des voluptés aiguës dont me gorge la Haine, la complaisante Haine ?

Car je m'en veux de respirer le même air que certaines gens ; leur présence me serre le cœur, me fait soubresauter de colère. Pourquoi ? D'où vient qu'un pareil dégoût s'élève dans une âme ouverte à l'amour, à la pitié ? Pourquoi chérir celui-ci et détester celui-là ? Pourquoi les mêmes paroles, qui me ravissent dans telle bouche, peuvent-elles m'irriter dans telle autre ? Pourquoi combler de dons un être si semblable à son voisin, auquel je voue la plus noire exécration ?

Je ne sais pas toujours répondre à cet examen de conscience. Si parfois, mes aversions se iustifient par des faits, par des idées ou par des impressions, souvent aussi, je ne réussis pas à en démêler les causes, — et ma fureur redouble. Mais avec quelle volupté je les nourris, ces Haines ! Quelles délices m'en procure l'assouvissement ! Elles agissent, elles frappent, elles déchirent ! Car aussi loin que je peux le pousser, je fais le mal à ceux que j'ai élus comme ennemis.

Mon cousin Gustave, — prénom stupide ! — à son heure dernière, en aurait pu témoigner. Ah, ce brave cousin, si bête et si nul, l'ai-je assez bien houspillé ! Pendant vingt ans, sans qu'il sût d'où le guignon venait, j'ai traversé ses désirs, je lui ai suscité les pires embûches, j'ai fait trébucher ses projets dans les pièges les plus ingénieux.

�� �