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8l8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

hommes auxquels je voue mon inimitié qu'à obliger ceux que j'ai choisis pour amis.

Faire le bien, hélas, en ce siècle inclément, c'est pro- diguer son or. " Passez-moi votre bourse, je me charge du reste ", dirait volontiers l'affligé à qui nous venons, les yeux mouillés de larmes, la consolation aux lèvres. Oui, riches, de votre débonnaireté, les pauvres n'attendent que de l'argent.

J'en ai donné beaucoup. J'ai choisi, dans cette humanité que j'aime, en son ensemble, d'un vif amour, certains sujets qui me plurent entre tous et que j'ai secourus, aidés, poussés, que j'ai mis à même, en somme, de s'épa- nouir dans la limite où les dons qu'ils avaient reçus de la Nature le permettaient.

Je pourrais citer tel petit ébéniste dont la figure morose, remarquée fréquemment aux vitres de son magasin, me séduisit. La faillite le guettait. Mais ni le courage ni les idées ne lui faisaient défaut. De mes mains le substanti- fique métal coula dans les siennes. Et il put résister, tra- vailler, lutter. Il put vaincre. C'est aujourd'hui un homme riche. Ses meubles, élégants, sobres, jolis, réjouissent de nombreux intérieurs. — Qui sait l'influence du galbe d'un mobilier sur la destinée de toute une famille ?

Parlerai-je du peintre Ganteux ? Qu'eût-il fait sans mon secours ? Que serait devenue, si je ne l'avais assistée, l'école ombriste, cette pure illustration de l'art français ?

J'avais connu Ganteux au régiment. Dix ans se passent. Le hasard d'une fantaisie sentimentale me conduit un soir au fond de Montparnasse, dans une rue populeuse où de méchantes fruiteries se dissimulent entre des bars étince- lants et des cinémas dont les affiches dévalent jusques à la

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