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8o8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

un berger écoute avec émerveillement grandir, foisonner et fleurir, sous les doigts d'un musicien, les cinq notes de sa complainte.

Dieu est pareil à nous ; il a notre âme, toutes nos pensées, tous nos calculs ; il a tous nos senti- ments ; il connaît ces étranges dispositions inté- rieures dont on est saisi tout à coup sans qu'on sache pourquoi et que l'on ne peut rien faire pour changer ; il connaît les mystérieuses contraintes du cœur et l'impossibilité de s'en défaire autre- ment qu'en y cédant. Mais justement voilà où est sa perfection : il échappe à ses sentiments, il va jusqu'au bout, il retrouve la liberté dont ils le privaient en les dépassant. Il est parfait, c'est-à- dire qu'en lui tout s'achève, tout s'accomplit entièrement. Il est parfait, non pas parce qu'il ne se met jamais en colère, mais, parce qu'après le transport de la colère, il sent tout à coup jusque dans ses entrailles l'étreinte de la miséricorde. Parmi les hommes nous appelons celui-là une grande âme, non pas qui ne sent rien, mais qui ne s'épargne rien, qui descend dans toutes les faiblesses, va reconnaître par lui-même tous les entraînements, se perd avec ceux qui se perdent et ne craint pas la détresse, la souillure, la honte ni la sueur de sang. Cette âme est grande qui est la plus chargée et qui remonte avec elle le plus lourd fardeau de passions. De même le Dieu tout- puissant ne s'est pas contenté de créer nos senti-

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