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8o6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à pardonner. C'est l'amour avide et égoïste du Créateur ; il est pareil à l'acte même de la création; il le recommence. Dieu revient trouver ce qu'il a fait et avec le même cœur qu'il avait alors, et dans le même orage qu'au commencement ; il rentre dans le tumulte de tous les sentiments qui l'ani- maient autrefois : le plaisir inexplicable de ses mains quand elles formaient cette âme, l'allégresse et l'apitoiement dont il était plein, voici qu'il les éprouve encore, comme au moment de la besogne; celui qu'il créa dans la joie, il l'aime dans la joie ; il "se réjouit" en sa créature ; il "se récrée " en elle : et c'est là sa prédilection. '^ ob luoi l^rn U Dieu aime l'homme ; mais l'homme, ce n'est pas un animal raisonnable, l'homme, c'est moi qui porte tel nom et tels prénoms que Dieu a consacrés à mon baptême, et qui suis né de telle femme, et qui mourrai tel jour que je ne sais pas, mais que Dieu sait. Sans doute je suis bon ou mauvais ; mais cela ne vient qu'ensuite ; Dieu ne voit cela qu'après. Il y a d'abord son enfant bien-aimé, sa race, son image privilégiée ; il a gardé une mémoire parti- culière de son visage, il se rappelle chaque trait^ il pense à lui souvent. Son amour est de celui-là ; et il l'accompagne partout, si bas qu'il tombe ; il ne le quitte pas dans la faute et dans l'humiliation ; même là, il le préfère peut-être encore à tel autre dont la vie est impeccable ; et puisqu'il sera juste envers cet autre, il a bien le droit d'être faible avec

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