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804 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

regarder ; il eût suffi d'ouvrir les yeux sans aucune pensée préalable : ce qui vient lui faire obstacle, eût alors apparu comme une marque éclatante de l'existence de Dieu. Nous constatons des inégalités et des préférences. Or c'est à quoi justement on reconnaît la présence d'une âme, d'un être. Ne savons-nous pas quel trouble, quelle subtile trans- formation de la justice apporte partout où on l'introduit, l'être vivant ^ Après qu'il est venu, rien plus ne vaut ce qu'il valait jusque-là au juge- ment de la raison ; une différence insaisissable s'est glissée entre les choses ; de même qu'en respirant, il analyse l'air et en sépare les éléments, de même, par le simple fait d'être là, il distingue, et choisit, et préfère ; on ne peut pas bien dire ce qui se passe ; la profonde iniquité de la vie est entrée avec lui. Partout donc où se trouve cette iniquité, c'est que quelqu'un est là qui pense, qui désire, qui veut. Les irrégularités du monde font paraître une âme ; elles sont ses complaisances, ses amours et peut-être ses haines. Ce dérangement immense dénonce une personne infinie. A la distri- bution du bien et du mal je reconnais le Dieu vivant. Sans doute il pourrait s'arranger pour mieux satisfaire mes idées de justice ; je le prends en faute. Tant mieux ! Car c'est donc qu'il existe. Si tout dans le monde était parfaitement équitable, il resterait possible que Dieu ne fût pas, car les lois mécaniques tendent d'elles-mêmes à produire

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