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NOTES 743

et perpétuel que toute propriété d'un autre ordre ; qu'elle n'est pas sujette à des réserves et à des limitations dont les motifs sont inconcevables. Quelle raison, quel prétexte ont bien pu avoir les législateurs pour décréter que la propriété d'un immeuble serait perpétuelle, que le possesseur de cet im- meuble le transmettrait, ou en transmettrait la valeur à ses enfants, que ceux-ci en feraient autant à leur tour, et ainsi de suite indéfiniment, mais que la propriété d'un livre, d'une comédie, d'un drame lyrique ou d'une symphonie serait limitée et passagère, et que cinquante ans après la mort du premier possesseur, c'est-à-dire de l'auteur, elle serait remise à la masse, c'est-à-dire à la communauté des citoyens français ? Quels arguments ont-ils pu faire valoir pour établir cette distinction extravagante, contraire au bon sens et à la nature même des choses ? "

Les arguments sont nombreux, au contraire ; et il en est même d'irréfutables. La loi française qui limite la propriété artistique à cinquante ans après la mort de l'auteur est une loi fort sage et fort équitable. Les volontés d'un auteur ne sont pas toujours intelligentes, et les circonstances politiques et sociales venant à changer, elles peuvent se trouver absurdes et nuisibles. Que ferait-on du testament d'un Racine qui, pris de scrupules sur son lit de mort, aurait interdit que ses pièces fussent représentées ? Ne serait-il pas déjà bien joli qu'on respectât de telles volontés cinquante ans ? Si le moyen bon sens de la " communauté " protège souvent un auteur contre ses propres entraînements in extremis, il lui est bien plus souvent encore une garantie contre sa famille et ses héritiers. Admettons que l'auteur ait choisi pour exécuteurs testamen- taires les hommes qui connaissent le plus parfaitement son art et sa pensée, et qui sauront le mieux éviter qu'on les travestisse. Mais après cinquante ans, ces hommes-là seront morts, et qui sait quels seront leurs héritiers, à quels fanatismes ils obéiront, de quels vandalismes ils seront capables ? Voit-on

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