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700 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fragments, tel qu'on nous l'offre, nous souffrirons à chaque pas de rencontrer dissociés et hors du souffle qui les mêle, les élé- ments de l'inspiration de Jammes, — hors de son souffle, hors de son inspiration.

On n'a pas assez remarqué combien sous l'unité de son lyrisme ces éléments sont complexes, divers, et même bizarre- ment disparates. Il y a d'abord la simplicité qui va jusqu'à l'affectation du naïf, du banal, voire du vulgaire ; il y a la joie d'exotisme qui veut des images singulières et savoureuses ; il y a la belle musique, nombreuse et balancée, d'une âme romantique qui rêve ; il y a la sécheresse du naturaliste qui enregistre les menus détails ; il y a la recherche du désuet, du fané et du démodé poétique ; il y a l'accueil com- plaisant fait au laid, au technique, au trop moderne ; il y a l'humour qui est souvent cocasserie et quelquefois esprit ; il y a en regard l'extase qui n'en doit pas souffrir ; il y a, pour s'en tenir à la lettre, l'amour des mots, le sens le plus pur de la langue, mais corrigé par le malin plaisir de la faire craquer aux joints, à force de duretés gratuites et de phrases parfois incorrectes ; Ml y a même le jeu de l'impropriété : car c'est un jeu. Mais derrière cela, il y a toujours l'homme qui sait d'instinct doser dans le poème ces éléments singuliers : lui seul en a le secret, la pratique ; son secret c'est d'être inspiré, c'est de laisser couler le flot. Sur cent vers bien venus, qu'est-ce que dix vers saugrenus, plats ou faibles ? La platitude, non, M. Faguet, ne se nomme plus platitude ici, mais repos, agré- ment, coquetterie ; elle met de l'air entre trop d'images tassées, elle intercale un temps de parlé dans le chant, et quand le chant reprend, quand les images refleurissent on y trouve plaisir plus vif. Mais s'il advient que je lise au contraire, bien

' Elle humectait avec sa bouche tout' usée Ce lin passé au four après qu'à la rosée.

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