LES POÈMES 697
à ses yeux l'importance d'une parole de l'Évangile ; il lui suffira désormais de dire vrai pour être sûr de dire bien, mieux qu'il n'a jamais dit jusqu'à cette heure, alors que sa conviction laissait encore à son génie un certain jeu. Et ce génie, le voici prêt à l'abdiquer.
Il ne faudra pas s'étonner si ce poète tout d'instinct, et le moins fait qui soit pour " composer ", compose un vaste poème en sept chants : la religion est un ordre. Il ne faudra pas s'étonner si son ardent prosélytisme l'amène à cultiver en lui le don didactique, qui est bien le moins heureux de ses dons. Il ne faudra pas s'étonner — et cela pourtant, et cela surtout mérite qu'on s'en étonne — si la fixité de la foi impose à sa chanson capricieuse, la forme la plus stricte et la plus lapidaire, et qui n'admet que la perfection : le distique, le vers doré ! Ainsi donc vont se succéder durant sept chants, au long de deux cents pages, liés deux à deux par la rime, chaque couple formant un tout et renfermant un sens complet, les alexandrins de l'orthodoxie. Autant de vérités chrétiennes, poétiquement formulées, qui devront à chaque distique faire feu sur nous et nous émouvoir ! Entreprise paradoxale, non pas humaine mais proprement divine ; entreprise plus ardue même que celle de Dante Alighieri, chez qui au moins les tierces-rimes savent rebondir l'une sur l'autre, formant une houle sans fin. Quel caractère d'absolu exigera le poète de chaque distique, s'il veut que chacun se présente à nous détachable et digne d'être pesé, déclamé, chanté, médité !
Dans le même but de renforcement dogmatique, déjà, un vieux poète aujourd'hui peu connu — je crois bien qu'il vivait sous le second Empire — et qui ne mérite pas tout l'oubli où il est tombé, L. Belmontet, avait rimé, presque exclusivement en distiques, un Choix de Pensées et de Maximes
- ' extraites de l'Imitation ". Or les plus réussies ne paraîtraient
pas déplacées dans les Géorgiques Chrétiennesy vous l'allez voir :
�� �
