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684 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

comme les deuils de l'amour, il leur faut relever sur nos abîmes de néant, pour voir enfin la lumière éternelle, quand l'heure du réveil sonne aux quatre coins du ciel, sur les buccins d'or ! Les fanfares de l'orchestre sont trop promptes ; et même chez Beethoven, ce n'est que du cuivre. Je ne me rends pas toujours à l'éclat de ces grossières trompettes. Les murs qu'elles font crouler ne sont pas même les haies de ma solitude. Ces victoires sont trop faciles, décidément, au moins quelques- unes, et je ne reproche rien à Beethoven que de s'en contenter.

Il va aussi fort qu'on le puisse, là où il veut aller. Mais il ne va pas toujours aussi loin qu'on peut aller, où deux ou trois autres ont été. La douleur de Beethoven n'atteint jamais certaines profondeurs, où l'abdication de l'espoir est com- plète, où le seul recours contre le néant est l'embrassement de tout l'univers dans son propre sang et ses plus chaudes larmes. Ivre d'espérance, non pas enivré de tristesse. Beethoven, si ce n'est pour la joie, ne se quitte pas lui-même. Il ne sort pas de soi, ni pour se mêler à la chair et au bois de la croix humaine, ni pour se confondre dans l'universelle douleur du monde. Et d'ailleurs, moins il se quitte, plus il est sûr de retrouver son énergie de vaincre : nulle promesse ne vaut celle qu'il se fait : le trésor de son espérance est incor- ruptible : on dirait qu'il ne descend au fond de sa

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