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CHRONIQUE DE CAERDAL 68 I

même pas des sonates, où Mozart semble enfan- tin. Ce monde nouveau est celui de la pensée.

Là, Beethoven architecte sonore n'a d'égal que Michel-Ange ; mais ses découvertes en musique sont bien plus belles, et plus heureuses, que celles du Florentin dans l'art de bâtir.

Simples, les pensées de Beethoven sont d'une force et d'une énergie inégalées. Elles respirent une franchise guerrière. Elles ont le souffle droit de la loyauté virile. Nulle musique n'est moins femme que celle-là. Elle ignore le charme ; elle semble n'avoir jamais connu la volupté. Ces pen- sées portent témoignage du héros qui les nourrit, et qui a vécu pour elles. Voilà l'immense espace qui sépare Beethoven de Mozart et des autres classiques : ceux-là sont musiciens de divertisse- ment, et pour le plaisir de la musique. Beethoven se sert de la musique pour exprimer le monde de sa poésie intérieure. Avec Beethoven, la musique est la langue d'un poète souverain, l'un des plus puissants lyriques que les hommes aient entendu. Les idées de Beethoven sont des actions, ou les confidences sublimes d'un héros : et plus la vic- toire est douteuse, plus il est invaincu. Dans toute la musique moderne, Bach, lui seul, est au même degré une lyre qui retentit intarissablement du chant intérieur. Plus d'une fois, je ne sais com- ment, tandis que Bach module, il me semble que j'écoute l'entretien du Moine à Kempis avec Jésus,

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