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CHRONIQUE DE CAERDAL 675

Bouilly, le plus émollient, le plus blanc des bouil- lons qu'on ait jamais pu faire avec une cervelle de veau. Style de la raison, et de toute bonne doctrine. Juste assez de sentiment, pour vous en dégoûter à jamais. Pauvres grand' mères, elles n'en ont pas été plus sages : puisque nous sommes là.

Le style pauvre a précédé le style niais, cette langue sans couleur, le parler neutre et dévot, clair et morne de Nicole et de Port Royal.

Au style niais a succédé le style sot.

Une certaine bêtise passe pour ne point nuire aux effusions du cœur. C'est du moins le bruit que font courir les esprits secs, qui méprisent les sentiments : on ne vient à bout de ces triques qu'en les courbant. Le malheur s'en charge quel- ques fois. La sensibilité des beaux esprits com- mence à l'humiliation.

L'abus d'une idée générale, quand l'auteur se sait un gré infini de l'avoir, qu'il fait la roue pour la montrer, et qu'il l'habille de ces plumes où mille yeux de paon l'admirent, l'abus d'une cadence fait le maître style sot, dans le style en- nuyeux. Ainsi, une certaine forme d'ennui mélan- colique, à la Chateaubriand. On voit un auteur avide de toutes louanges, ivre de vanité et de mépris, selon qu'il boit sa propre estime ou qu'il la cuve sur les autres ; plus occupé de soi-même et de l'opinion qu'une femme fardée au bal, on le

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