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LETTRES A FANNY BRAWNE 6ï

ments que j'ai soufferts pour vous depuis le jour où je vous ai quittée pour aller dans l'île de Wight ; dans quelles extases et dans quelle misère j'ai passé successivement certains jours,... j'en admire d'autant plus la Beauté qui a su exercer sans défaillance le même enchantement.

Quand j'expédierai ceci, je serai dans le premier salon, guettant l'instant où je pourrai vous aper- cevoir dans le jardin. Quelle barrière la maladie élève entre vous et moi ! Même si j'allais bien, il faut que je devienne aussi bon philosophe que possible. Pendant tant de nuits que je viens de passer dans l'insomnie et l'anxiété, bien des pen- sées nouvelles m'ont assailli. " Si je venais à mou- rir ! — me disais-je — je ne laisserais derrière moi aucune oeuvre immortelle, rien qui puisse rendre mes amis fiers de ma mémoire ; mais j'ai aimé le germe de Beauté qui est en toutes choses, et si j'en avais eu le temps, j'aurais fait en sorte que l'on se souvienne de moi. De telles pensées s'élevaient plus faiblement en moi quand j'étais bien portant et que chaque battement de mon cœur était pour vous ; à présent, vous partagez avec elles (puis-je le dire ?) — " dernière faiblesse d'un noble esprit " — toutes mes réflexions.

Dieu vous bénisse. Amour. J. Keats.

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