LA MÈRE 659
l'avait un soir assaillie pour la tuer, elle l'avait mis en fuite à coups de pompe ; elle était jeune alors et forte comme une ânesse... dont seul lui demeurait le superbe braiement qui montait à sa gorge au souvenir de cet exploit. L'idée du pugilat lui arrachait des frissons, elle s'oubliait complètement jusqu'à proférer pour qui voulait l'entendre des exclamations assez profanes... Ah la, la ! ce qu'elle les avait rossés ces filous de moricauds de la plantation ! Mais voilà que les deux enfants étaient tombés malades. Seulement un peu de fièvre, pour com- mencer...
Mrs. Almeida regarda autour d'elle, avec efifroi, ne fixant rien mais paraissant scruter l'air vide.
Ce fut la nuit du troisième jour après que s'était déclarée la maladie de William et de Mabel : l'homme gris vint. Il arrivait on ne sait d'où et se tint penché sur les petits et elle le prit pour un brahmin ou pour un fakir qui aurait trouvé à s'introduire. E recula, quand il la vit prête à bondir sur lui, il se rétracta comme de l'ombre entre ses mains. Le lendemain, aux environs de la même heure, William et Mabel lui mouraient dans les bras. Et Mr. Almeida, à son retour, la trouva sans enfants.
Une toux étranglée la secoua ; elle enfonça ses doigts dans ses cheveux gris, et tout son corps avait commencé de trembler doucement, et ses yeux bleus sans éclat louchaient, — mais elle continua son récit :
— Plus tard l'homme gris, le brahmin, je sais beau- coup ce que c'est ! est venu se pencher sur Athelstan. Quelques années après, il prit Tankred et Charles. La dernière fois il est venu chercher la petite Evelyn... Oh mais alors, Mrs. Almeida lui a livré bataille !
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