Page:NRF 8.djvu/649

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA MÈRE 643

rière elle, " comme une espèce de vapeur féminine ", se dit le docteur qui souriait en humant l'air distraitement. Et cette vapeur se mêlait à la chaude atmosphère nébu- leuse du jardin d'Almeida.

��La maison d'Almeida était un bungalow ouvert, sans fenêtres mais avec de grandes verandahs, et des stores de jonc partout. Les pièces, ainsi que la cour qui s'en- orgueillissait de deux dragons de faïence chinoise, étaient carrelées.

Au rez-de-chaussée, debout devant un pupitre — meuble unique dans ce vaste local ouvert — se tenait de Braganza, le comptable d'Almeida. Bien qu'il fût halfcast^ l'élégance de sa mise était toute pure-sang. De Braganza ne manquait point de se cogner à toutes les chaises, à tous les coins de tables parce que, par dignité, il portait un lorgnon. En apercevant le docteur, il s'inclina selon le plus rigide cérémonial et, derrière les verres du pince-nez, ses sots yeux de nègre reflétaient un extraordinaire sérieux. Puis, avant que le regard du docteur ne l'eût quitté, il s'empressa de saisir la plume pour inscrire dans un registre des chiffres importants. Oh, sa manière était d'un authen- tique européen, c'était colossal ! au moment de poser un chifire sur le papier, il décrivait dans l'air d'amples para- phes, en vrai rond-de-cuir. De Braganza avait, pour l'instant, l'aspect d'un monsieur fort distingué, avec une large raie dans ses cheveux de negrito, au doigt une bague d'argent. A le voir ainsi on ne se doutait guère qu'il lui arrivait parfois de " récidiver ", c'est-à-dire de se sauver à

�� �