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��LA MERE '

��"Sussie est un peu souffrante aujourd'hui" dit Mrs. Almeida en recevant le docteur Van Leer à l'entrée de la pépinière. Elle était allée au devant de lui comme pour lui confier cette nouvelle, sans que personne le sût dans la maison. Elle parlait bas, répétant que Sussie était indisposée mais que, sans doute, ce ne serait rien : un peu de fièvre, voilà tout. Et Mrs. Almeida demeurait dans une pénible anxiété, comme si la réalité eût dépendu de ce qu'elle disait ou ressentait elle-même.

Le docteur Van Leer connaissait Mrs. Almeida. Il resta sans un mot, sans un clin de paupière, se gardant de prendre parti. Mieux valait que Mrs. Almeida re- trouvât naturellement son équilibre. A sa façon de respirer le docteur vit bien qu'elle était excitée mais que, traitée avec douceur, elle allait se calmer. Et, cependant, il regardait les deux énormes piliers qui flanquaient l'entrée du jardin : une paire de troncs de teak, carrés, entièrement pris dans un filet de lianes grimpantes, dont les fibres tenaces entraient profondément dans l'écorce et s'y développaient comme dans du terreau. Quelle im- placable fertilité, quel appétit ! Et comme il est étrange

' La Mère est le dernier des trois contes qui forment ensemble le recueil des Singapore tiweller, publié par Johannes V. Jensen en novembre 1905 (Gyidendalske Boghandel Nordisk Forlag).

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