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636 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

des existences quotidiennes. Les trois volumes de Himmerland- historier, surprennent par Fintimité qu'ils révèlent entre Fauteur et les habitants de sa province jutlandaise^ organismes rudimentaires que tout sépare du sien^ si raffiné^ si riche de contradictions. Ces contes ne font pas seulement admirer en Johannes V. Jensen un grand et profond peintre de ce paysage jutlandais dont le caractère est imprégné de douceur majes- tueuse ; ils résument encore toute la gamme des ressources dont dispose le poite dans ses descriptions humaines : mode lugubre^ ou tragique^ imperceptible sourire^ comique allant jusqu^au grotesque le plus fruste. Ce somptueux lyrique de la prose, dont la sensibilité s'est parfois montrée maladivement susceptible, est à d^ autres heures un humoriste de santé robuste et cordiale.

On se laisserait entraîner trop loin à vouloir ici rendre compte des démarches qui vers l'harmonieux équilibre où. la voici parvenue conduisirent cette nature originellement si divisée. Un grand roman, la Roue, témoigne dans F œuvre de Jensen, des luttes quil eut à soutenir pour affranchir sa conscience de ce qu'il nomme les puissances dangereuses, destruc- trices de la vie.

Au point de vue artistique, La Chute du Roi, trilogie du temps de Christian II, reste Fouvrage le plus puissant de Johannes V. Jensen. Il parut voici trois ans.

Jamais le lyrisme de Jensen m revêtit une expression plus magnifique, n'atteignit à une puissance telle. Par des moyens d'oîi r affectation est bannie, il va toucher le plus secret, le plus éternel de Famé humaine. Ici son style est en possession d'une douceur, d'une harmonie inimitables. Les passages les plus pathétiques du roman sont de véritables po'èmes en prose. Avec les rares morceaux, d'une extrême originalité, que Jensen écrivit dans la forme métrique, ils constituent comme

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