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LES DIEUX ONT SOIF 633

régime populaire. Il eût jugé méprisant, insolent pour le peuple, de l'exclure du supplice. C'eût été le considérer, pour ainsi dire, comme indigne du châtiment. Réservée aux seuls aristocrates, la guillotine lui eût paru une sorte de privilège inique. Gamelin commençait à se faire du châtiment une sorte d'idée religieuse et mystique, à lui prêter une vertu, des mérites propres. Il pensait qu'on doit la peine aux criminels et que c'est leur faire tort que de les en frustrer. "

On retrouve en plus d*un chapitre des pages de ce fort accent. Mais qu'on y regarde de près : jamais l'intelli- gence ne désarme. Je sais bien ce qu'un tel reproche renferme d'ingratitude et presque de blasphème. Il est tellement de mode de ne prôner que les qualités impul- sives, l'intelligence est si vaniteusement offensée chez tant d'écrivains, qu'un homme qui pense avec netteté, avec honnêteté, paraît un refuge, un ami, im défenseur de la cité. L'intelligence a par elle-même un caractère si sacré, qu'elle entoure Anatole France d'un prestige exquis et grave. Mais elle empiète ici sur les droits de l'inspiration. L'époque révolutionnaire est si riche de passion, qu'il faut qu'elle en communique à tous ceux, amis ou ennemis, qui parlent d'elle. Ce n'est pas un thème à petits jeux de société, du moins durant 360 pages et avec l'insistance de cinquante éditions. La " soif des dieux " est plus farouche. Il faut, pour la faire comprendre, plus d'intui- tion des choses, plus d'entraînement vers elles, plus de sympathie pour tout ce qui est doué de vie, de forme, de pesanteur. Il faut oublier les collections de vues optiques, et les Boilly, et les Debucourt ; il faut le sens de l'émo- tion populaire ; il faut se sentir de la même chair dont est

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