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��LES DIEUX ONT SOIF

��PAR Anatole France

Anatole France a toujours montré du goût pour le paradoxe historique. Par hostilité pour ce qui est dogma- tique et sectaire, peut-être aussi par une sorte de penchant poétique à savourer ce qu'il y a d'éternellement précaire et de changeant dans l'esprit de l'homme, il s'est toujours plu à sourire et même à soupirer des inconséquences passionnelles, des folies contradictoires, des illogismes de toute sorte qui nous gouvernent. Par naturelle équité, il a plaisir à montrer ce qui peut se cacher d'importance dans les petits événements et de vanité dans les grands. Sa sympathie s'attarde volontiers aux vies modestes dont les vertus sont méconnues ; et il aime dégonfler d'un coup d'épingle les réputations surfaites, les légendes solennelles et les dogmes trop sûrs d'eux-mêmes. Vices qui prennent l'apparence de la sainteté ou sainteté qui a tous les dehors du vice, grandes actions accomplies par lâcheté ou sauva- geries commises par amour, il apporte à dénoncer ces injustices de la gloire ou ces naïvetés de la morale, une verve malicieuse qui n'exclut pas l'indignation.

On s'est étonné de voir Anatole France assumer, sous la pression de graves événements politiques, un rôle de polémiste actif et même d'homme de parti. Parce qu'il n'aimait pas élever la voix et que sa raillerie prenait pour

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