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ARTHUR RIMBAUD 561

Ce n’est pas de fuir qu’il s’agit, mais de trouver : « le lieu et la formule », « l’Éden » ; de reconquérir notre état primitif de « Fils du Soleil ». — Le matin quand l’homme et ses souvenirs ne se sont pas réveillés en même temps, ou bien encore au cours d’une longue journée sur les routes, entre l’âme et le corps assujetti à son desport rhythmique, se produit une solution de continuité. Une espèce d’hypnose « ouverte » s’établit, un état de réceptivité pure fort singulier. Le langage en nous prend une valeur moins d’expression que de signe ; les mots fortuits qui montent à la surface de l’esprit, le refrain, l’obsession d’une phrase continuelle, forment une espèce d’incantation qui finit par coaguler la conscience, cependant que notre miroir intime est laissé par rapport aux choses du dehors dans un état de sensibilité presque matérielle. Leur ombre se projette directement sur notre imagination et vire sur son iridescence. Nous sommes mis en communication. C’est ce double état du marcheur que traduisent les Illuminations : d’une part les petits vers, qui ressemblent à une ronde d’enfants et aux paroles d’un libretto, de l’autre les images décoordonnées qui substituent à l’élaboration grammaticale, ainsi qu’à la logique extérieure, une espèce d’accouplement direct et métaphorique. « Je devins un opéra fabuleux. » Le poète trouve expression non plus en cherchant les mots, mais au contraire en se mettant dans un état