522 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Bien plus, il se fût privé d'écrire un chef-d'œuvre qui pût être objet de scandale : " Des deux êtres humains dont il est question, l'un était destiné à suivre une marche rétrograde, l'autre ne pouvait s'empêcher d'être entraîné en avant. Il vint un moment où ils ne parlaient plus la même langue, où ils ne partageaient plus les mêmes espérances et n'étaient plus soutenus par les mêmes aspirations. Le survivant, du moins, a la consolation de penser que, jusqu'à la fin, ils ont conservé l'un pour l'autre des sentiments de respect et une mélancolique indulgence... Leur affection naturelle fut assaillie par des forces auprès desquelles les changements produits par la maladie, les déplacements, les revers de fortune ne sont rien. C'est une douloureuse satisfaction, qu'ils aient tous deux été capables d'obéir à la loi commandant d'honorer et de maintenir les liens étroits de la famille. S'il n'en eut pas éié ainsi, cette histoire n'aurait jamais été racontée. " Ces lignes, détachées de la première page, donnent le ton du livre entier...
" Ce livre est le récit d'une lutte entre deux tempéraments, deux consciences et presque deux époques ". Il est permis de penser que sa signification philosophique et sociale, l'opposition qu'il marque entre la libre culture humaine et la sombre tyrannie puritaine, enfin la victoire qu'il inaugure sur l'esprit d'un temps " qui ne reviendra plus ", lui valurent surtout, en Angleterre, son extraordinaire retentissement. Nous croyons, cependant, ne point méconnaître la portée de l'ouvrage en nous attachant à ce qu'il offre de particulier : " récit d'une lutte entre deux tempéraments, deux consciences " ; plus exactement encore : " étude de deux tempéraments ", ainsi que l'auteur l'a volontairement précisé par un sous-titre. En effet, la question des tempéraments est ici primordiale ; elle préexiste de loin à la question des consciences et, pour ainsi dire, l'enveloppe. C'est d'une incompatibilité foncière entre deux tempéraments que traitera le livre en son principe. Pour achever de mettre
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