Page:NRF 8.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES POEMES 503

qui parle, mais les êtres de sa pensée, simples, robustes, droits ; il ne leur faut pour s'exprimer que l'inflexion de la voix, que la courbe affectueuse du rhythme, que la chanson. Ce sont les qualités même des personnages de Virgile et de La Fontaine et nous touchons au comble de l'art littéraire, quand la littéra- ture n'y apparaît plus. — On n'a pas manié en vain, durant une longue et laborieuse carrière, ses sentiments et ses pensées avec une entière bonne foi. On a eu des colères... — elles n'étaient pas feintes — des visions, des illuminations, des cris... Quand l'ornement des sensations de la jeunesse qu'on s'en serait voulu de rejeter, tombe, s'effeuille, se disperse, il découvre par dessous un cœur loyal, un métier plein et comme un naturel classicisme. Qui veut se mûrir prématurément se des- sèche : et il faut distinguer dépouillement de dessèchement ; il est la beauté noble de l'automne. A ce point'de la vie, d'une vie de talent, la poésie accueille en souriant le didactisme ; il pèse dans «a main comme la somme de ses expériences loyales ; il garde le reflet sensuel des chants d'hier. On sait gré à M. Verhaeren de reprendre la bucolique alternée de Mœlibée et de Tityre, qu'ils se nomment Vincent, Philippe, Augustin ou Simon, le Jardinier ou le Berger ; ils ne s'expriment plus seulement, ils s'expliquent, ils ont le droit de s'expliquer. Goûtez ce dialogue posé et ces directes, ces franches répliques :

Marianne

Je fus a toi depuis que je te vis là-haut

A coups égaux Couper les branches près du ciel. Quand ceux d^en bas faisaient appel

A ta prudence. Tu t^ élançais plus haut encor Et ta hache frappait plus fort Et répandait comme en cadence

La mort ;

�� �