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490 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

frayée. Même les opérations de police de Boileau furent plus faciles qu'on ne croit souvent. L'art classique, de Malherbe à Fontanes, est né, comme la monarchie absolue, d'une lente et irrésistible conspiration naturelle, qui n'impliquait que des divergences intérieures et faisait que l'on contestait parfois les actes, jamais le principe. Deux fois, par contre, une révolution littéraire fut accomplie non par un travail méthodique, par cette succession régulière qui fait précéder de Malherbe et de Balzac, Racine et Bossuet, mais par une explosion et une soudaineté telles que l'auteur de la révolution en fût aussi le bé- néficiaire éclatant : avec Ronsard et avec Victor Hugo. De sorte que ceux-ci prirent du coup dans le paysage littéraire l'aspect brusque d'une montagne volcanique énorme, inépuisable, isolée, d'un Etna ou d'un Fousi-Yama. (Et cela est vrai non en soi, car il n'y a pas plus de génie soudain que d'à-pic terrestre de trois mille mètres, mais par rapport aux formes de durée ample et bien assise qui disposent les gradins de l'art classique.)

Des ennemis littéraires entiers, absolus, de principe, sont alors une nécessité, et entre ces ennemis et ceux de Racine il y a toute la différence d'un Georges Cadoudal à un Ravaillac. Mais, ces ennemis, encore faut-il qu'ils aient derrière eux un idéal certain et robuste qui les arme. Cela manquait à ceux de Ronsard, toute la marqueterie des poètes de cour s'étant effondrée misérablement à l'apparition du dieu, et sa poésie n'étant point la nouvelle, mais la seule. Il eut des ennemis politiques, quand il eut pris parti, et en poète, dans les guerres de religion. Il n'eut guère d'ennemis littéraires.

De sorte qu'à ce point de vue le cas de Victor Hugo demeure sinon unique, du moins singulièrement privilégié. Une étude approfondie et complète sur les ennemis de Victor Hugo n'éclaircirait pas seulement, comme celle sur les ennemis de Racine, une question d'histoire littéraire. Elle apporterait une contribution importante à un grand chapitre de l'esthé- tique. Elle serait, avec une histoire du wagnérisme, l'occasion

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