LE PATHÉTIQUE DES MENDIANTS 47 1
enfance, passaient en se lamentant et disparaissaient tour à tour devant le geôlier inexorable ; le défilé fini, le pré- dicateur concluait et tirait la morale. " La danse n'épuisa pas la fortune de l'idée. Pendant cent ans elle inspira les plus grands artistes. On connaît les sublimes estampes de Durer, les Amants et la Mort^ la Mort et le Chevalier^ les sinistres facéties d'Holbein et ses Images de la Mort.
A ce pathétique forcené, à cette passion de la douleur, la Renaissance oppose la religion de la sérénité et de la beauté pure. Conspués par les humanistes et par les Huguenots, siffles par les bourgeois, abandonnés par le clergé, les mendiants voient l'empire du monde leur échapper. " C'est fini désormais des additions ingénieuses que l'affection des foules avait cru pouvoir faire impuné- ment au texte sacré. On n'écrira plus rien en marge de l'Evangile. On ne lira plus entre les lignes. On ne prêtera plus à la Vierge de maternelles faiblesses. On ne couron- nera plus Madeleine, comme une folle Ophélie, de coif- fures exquises et apocryphes. L'âge du sentimentalisme, de l'imagination, de la légende finit, celui de la critique et de la raison commence. " Mais l'influence des men- diants n'est pas morte avec la Renaissance. Un autre ordre moins populaire, moins ingénu, moins sensible, les Jésuites, va recueillir leur héritage. Et sans le savoir, les artistes perpétueront longtemps encore leur pensée. Chez Rubens, Murillo et Rembrandt il est facile de découvrir mainte survivance franciscaine, tel accent dont on ignore l'origine et dont le sens s'est oublié, mais qui prolonge, pendant des siècles, des ondes ineffaçables.
Tel est le résumé bien pauvre de ce livre plein de jeunesse et de vie, qui ne pouvait être écrit que par un
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