Page:NRF 8.djvu/470

Cette page n’a pas encore été corrigée

464 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Dans l'art, dont c'est le rôle d'exprimer ces réalités mystérieuses et où elles demeurent embaumées. " Inha- bile dans ces vieux temps à exprimer encore la vie indi- viduelle, l'art est par excellence l'historien des sentiments communs. Tout ce qu'il n'a pas enregistré risque fort d'être du domaine des curiosités érudites qui n'intéressent pas l'histoire générale. Il n'admet guère à cette époque que ce qui correspond à la mentalité des foules. Il immor- talise le rêve de multitudes obscures. En déposant pour elles, pour l'honneur d'innombrables fidèles anonymes, qui n'ont fait que naître, travailler, expirer et mourir, on peut dire que son témoignage revêt une grande poésie et une haute moralité. " Et c'est une étrange aventure que nous soyons ainsi obligés d'aller chercher dans l'art l'his- toire profonde des mendiants ! Saint Dominique et Saint François en auraient été bien étonnés, eux qui réprou- vaient comme un signe de richesse et de perdition toute expression de la beauté. Si la doctrine du Poverello avait été suivie à la lettre, ses frères n'auraient jamais eu pour sanctuaires que des huttes de feuillage, et ce trésor d'églises, de tableaux, de statues, de livres, d'œuvres d'art de toutes sortes oii nous croyons sentir son inspiration n'aurait jamais vu la lumière. Heureuse contradiction de la vie, ou plutôt logique profonde de la vie. Saint François qui renouvelait la sensibilité et l'imagination du monde rouvrait du même coup les sources vives de l'art. " Depuis des siècles, l'art ne subsistait que de formules. On croyait la vie épuisée. Le monde, avec Jésus, avait fini son temps et dit son dernier mot. Hors de cette histoire privilégiée, on jugeait que rien n'était digne d'occuper la pensée. Les yeux tournés vers le passé, on répétait sans cesse les

�� �