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LE PATHÉTIQUE DES MENDIANTS 463

cains, ce livre qui enchantait Renan à sa sortie du sémi- naire et qui ouvrit des horizons nouveaux à la piété et à la sensibilité romantiques.

Les Ordres Mendiants ont suscité pendant trois siècles à travers toute l'Europe un nombre incalculable d'oeuvres d'art ; ils sont contemporains du mouvement de pensée d'où sort la Renaissance ; ils ont produit une foule de légendes, d'héroïques et poétiques figures. Ces formations monacales empreintes d'un vague socialisme sont la face religieuse du mouvement démocratique qui s'est exprimé socialement et politiquement par le mouvement des Com- munes. Elles furent à leur manière une réaction contre les mœurs de l'église féodale. Leur paupérisme hardi décongestionne celle-ci de l'énorme main-morte accu- mulée entre ses mains. Enfin leur organisation intérieure, celle d'immenses armées placées sous l'autorité absolue d'vm général, leur division en provinces, leurs conseils de guerre, leur vie mêlée par la prédication à celle de la foule, leurs profondes réserves d'affiliés laïques, hommes et femmes de toutes les classes, les ont fait pénétrer dans la vie populaire d'une façon autrement efficace et puis- sante que ne pouvaient le faire les anciens ordres de moines retirés dans leurs monastères, loin des villes, loin du monde, au fond des montagnes et des bois. Dans un temps où la presse n'existait pas, les mendiants ont été les grands colporteurs de sentiments et de pensées. Ce sont eux qui pendant trois siècles ont façonné la sensi- bilité et l'imagination catholique et réalisé l'unité morale de l'Europe.

Mais où retrouver, à tant de siècles de distance, cette réalité invisible, une émotion, un sentiment, une pensée ?

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