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444 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

chacune de ces lectures, on sort avec l'impression pénible d'une méditation dans le vide, d'une rêve- rie autour de quelques mots. Après nous avoir pro- posé les problèmes les plus tragiques, Maeterlinck nous a endormis à la musique de ses phrases comme ces tziganes qui, dans les cafés de nuit des grandes villes, empêchent les citadins fatigués de penser aux échéances du lendemain.

Après le Double Jardin, le périple est accompli ; l'enclos mystique d'oii l'auteur est parti, il n'y revient plus que pour y cueillir des fleurs de rhétorique. Maeterlinck, devenu très sage, est le moraliste des gens très sages. Le bourgeois de Gand est arrivé à transporter son équilibre mental dans le domaine de la métaphysique, et il a trouvé son public, un public qui demande à croire " que le premier de tous les devoirs est d'être heureux. " Il est le sage bienfaisant des jours ordinaires et des gens ordinaires. Ses livres seront désormais pour ceux qui ne vont pas à la messe ce que sont les manuels d'édification pour les dévots. 11 est le docteur tant mieux des âmes sans piété. 11 satisfait à ce besoin de religion qui survit à la décadence des religions au moyen d'un vague idéalisme vide de croyance, confectionne un idéal pour savants positivistes, offre une ombre du divin à ceux qui avaient cru pouvoir se passer du divin. Cela n'est peut-être pas inutile. " Nul doute, dit M. Lucien Maury, si nous avions en France le sens de l'uti-

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