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NOTES 379

mais aussi par nos romanciers et nos poètes, la part de rhomme qui accepte la vie et qui met sa joie à la vivre, réclamera un jour son gai chanteur. Ce jour venu, Mozart lui montrera la route.

Ne nous le dissimulons pas, c'est un opéra bouffe que tire Mozart du Don Juan de Molière. Je sais bien que s'y prête le médiocre livret de son collaborateur Da Ponte. Mais Mozart ne fait rien pour pousser au tragique cette fantaisiste transposi- tion. La figure âpre et satanique du grand seigneur athée devient celle d'un libertin qui a le goût de l'aventure — et rien de plus. Mais le divin qu'il perd, c'est en humain qu'il le regagne. Nous sommes déjà loin de Molière, mais à cent lieues de Lord Byron. Des tripatouilleurs sans scrupules ont pu, dans le courant du dernier siècle, souffler Don "Juan en grand opéra et nous tromper sur son vrai caractère. Pris au sérieux, sur le ton romantique, et entouré d'une grande pompe de cortèges et de ballets, il put nous ennuyer à l'Opéra. L'Opéra-Comique nous l'a rendu dans ses justes proportions qui sont proportions humaines. Or bien souvent nous avons entendu chanter des Dieux — des hommes, rarement. Voilà le prix exceptionnel d'un tel ouvrage.

Soutenus par quelques accords de piano, des récitatifs aussi prompts que la parole humaine et d'une justesse d'intonation miraculeuse. Ils vont tendre vers " l'aria ", mais sans heurt, progressivement, moins vifs, mais déjà plus chantants et l'or- chestre, d'un pas léger, les accompagne. Alors " l'aria " plane. Rien de plus varié que ces airs ; ils ont des hésitations, des ralentissements et des reprises que ne connaîtra pas le roman- tisme italien. Ils sont d'ordre musical et d'ordre psychologique, mais indissolublement et l'on ne sait s'ils sont charmants parce qu'ils sont justes ou justes parce qu'ils sont charmants. Le créateur y manifeste ce détachement singulier de celui qui domine ses personnages et n'a qu'à faire un signe pour qu'ils s'expriment complètement. Et je ne parle pas des scènes —

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