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NOTES 373

richesse, épanouissement, abondance fleurie, sincérité toujours aisée. Mais cette peinture n'est-elle pas faite de tout ce qu'il nous est difficile d'aimer : contentement de sa propre facilité, gentillesse presque à la Chaplin, sentiment coco, tons de chromo, fadeur, absence de cœur sinon de sensualité, manque d'appétits...

Et pourtant, avec cela même, comme il sait nous confondre et forcer notre assentiment !

... Amoureux seulement de couleurs, il n'a pas cherché d'autres formes où inscrire son émotion, ou plutôt sa gourman- dise que celles toutes faites qu'il a trouvées : aussi côtoic-t-il parfois la banalité et le ridicule et n'a-t-il de racines ni dans son temps ni dans le passé, bien qu'il s'apparente un peu aux peintres du XVIII* siècle.

Et pourtant... tels yeux bleus, bêtas, sans vie, si connus, plantés là comme deux bleuets sur des joues de nacre nous déconcertent et nous amollissent. Nous sommes désarmés. Nous avons honte...

C'est que, devant ses toiles, je ne ressens jamais aucune inquiétude : tout en elles est entièrement déployé et amené à la lumière parce qu'y chante la plus spontanée confidence de soi-même et que la réalisation en est complète. Nous aimons que cette peinture vienne au-devant de nous et que nous n'ayons aucune peine à l'aimer. Renoir n'est peut-être qu'une machine à peindre et qui ne peint que pour soi, sans intention ; mais on sent en lui une telle joie d'écraser la pâte, tout simplement, sans plus ; la peinture est pour lui si peu un problème à résoudre que nous éprouvons tout de même une détente. Tant d'ingénuité lui fait une si constante jeunesse que nous ne son- geons plus qu'il n'atteindra jamais la maturité. Il est le don même, mais cela seulement.

• Aussi ceux qui, par réaction contre l'effort et la discipline voudraient reconnaître en Renoir le maître aujourd'hui après Cézanne et Van Gogh, me semblent-ils donner à leur plaisir la

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