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37^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

matières : le bras est de la même pâte que la manche, le vase que les fleurs, les soieries de M"" de Galéa ne sont pas plus soyeuses que le tablier de toile de la servante, dans le portrait de la famille du peintre. — Il n'est inquiet, non plus, d'aucune expression secrète. La flamme qui affleure un visage, il n'en sent pas la chaleur. De là ces mêmes regards somnolents, cette même bouche molle, largement carminée, ces figures poupines, soufflées et irisées comme des bulles de savon, ces attitudes parentes. Il peint les figures comme des " natures-mortes " ; mais il est juste de reconnaître l'animation et l'exubérance de ses " natures-mortes ".

Les voilà tous, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, les bras rougis comme par une lessive, lourdement collés à la toile, lourdement, mais sans que nous en sentions jamais la réelle pesanteur.

Cependant la palette est intéressante. Encore doit-on recon- naître, quelque sympathie qu'on se sente pour une si naturelle expansion, une tendance marquée à l'exploitation des mêmes gammes : jadis bleues, vertes, et ce fut l'époque oh. je trouve plus de charme, des portraits de Af Choquet (1878), de M^^ Jeanne Durand-Ruel (1876) — depuis rosées, violacées, vineuses (portraits de M'^ Baudot, 1898 ; de M^^ Jeanne Durand-Ruel, 1 9 1 1 ).

C'est qu'au fond ce grand travailleur a l'esprit noncha- lant. Certes sa production est abondante, mais non renou- velée : si les tonalités se sont modifiées, il y eut seulement évolution sans enrichissement, pente naturelle vers des rapports de plus en plus faciles et de moins en moins subtils. Notons également de moins en moins de soumission à l'objet, de choix, de discernement dans la composition et le groupement.

D'où vient alors que, malgré tout, nous ne nous détournoni | pas de Renoir et l'admirons ?

Certes un si libre abandon laisse foisonner les qualités : |

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