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370 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

affirmé la grandeur, dès lors Incontestable, de l'école française à la fin du siècle dernier. Ce n'est pas un article, ce n'est pas vingt pages d'essai, c'est un volume qu'elle mérite. Elle résume trente ans d'efforts. Tout ou presque tout l'important d'un mouvement riche et divers s'y atteste par des chefs-d'œuvre dont le moindre est digne de faire couler autant d'encre dans l'avenir que la Joconde ou le Concert Champêtre. Car un Renoir vaut un Rubens, un Manet vaut un Goya, un Degas vaut un Clouet, un Sisley vaut un Corot — on ne saurait les comparer qu'à de grands maîtres — un Cézanne vaut un Chardin, et moralement parlant, beaucoup plus : c'est l'être habité de génie. Et je ne parle pas de l'art épique, sans précédent — et du reste sans lendemain, je veux dire sans contrefaçon possible — de l'admirable Monet ; on l'eût voulu représenté ici par une de ses grandes séries, plutôt que par des exemplaires isolés. Songez encore à une Berthe Morizot qui vaut peut-être Fragonard, à Pissarro proche parent de Millet. Et n'oubliez pas que la même époque a produit son Angelico, notre Puvis. — Je ne dis pas que comme les maîtres anciens, ces nouveaux maîtres possédaient tous — je mets à part Degas — cette sûreté de métier infaillible qui sauvait, au temps des ateliers et des écoles, les plus médiocres inspirations. La faute en est non pas à eux, mais à leur temps, mais à l'évolution nécessaire des arts, mais à l'épuisement des formes. Il leur fallait chercher, réinventer, créer, — construire sur la table rase. — On doit rire des sots qui condamnent, au nom du classicisme, tout art étrange ou étranger. Ce qui put leur paraître étrange dans l'impressionnisme français était précisément le fruit de l'été le plus autochtone qui ait réchauffé notre race. Etrange, s'ils veulent, mais français. La France, qui possède une tradition de goût, a pu " refuser " selon l'expression de M. Pierre Lalo, et non à tort, le lourd Boecklin avec les Préraphaélites, bien que les acceptât le reste de l'Europe. Mais comment se refuser elle-même, quand l'Europe même lui fait accueil ? Elle seule, par la grâce des

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