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des " littéraires ", elle faisait prévaloir l’opinion des lettrés sur celle des ingénieurs. Dès son application, il fut aisé de percevoir dans les milieux scientifiques un sourd mécontentement, une déception. La protestation du Comité des Forges, la lettre des Amis de l’Ecole polytechnique, ne sont nullement des actes isolés, elles sont l’aboutissant de plaintes et de doléances sans nombre. Il faut lire l’historique de ce mouvement dans la brochure claire et vivante que M. Henry Le Châtelier, membre de l’institut, professeur à l’Ecole des Mines, vient de publier par les soins de la Ligue pour la Culture française : les Humanités et les Ingénieurs.

Les études scientifiques sont-elles par elles-même un outil de formation intellectuelle ? C’est douteux, pense M. Henry Le Châtelier. En tout cas, on ne saurait les comparer à ce point de vue aux études littéraires classiques. En fait on n’a jamais songé à tirer des études de sciences un parti autre que d’utilité ; or utilité, je veux dire utilité immédiate et directe, exclut culture. Les sciences ont toujours été enseignées dans une pensée technique, professionnelle. Elles servent à l’apprentissage. Peut-être ne peuvent-elles servir qu’à cela. Les mathématiques excepté, ne se réduisent-elles pas le plus souvent à un répertoire de faits, qui s’adresse à la pure mémoire ? Au contraire l’on a toujours enseigné les lettres, les langues anciennes notamment, pour le seul profit et entraînement de l’esprit ; on multipliait autrefois les traductions difficiles qui n’avaient d’autre raison que d’exercer les facultés d’analyse et la subtilité d’un enfant.

Les adversaires de la culture classique, aurait pu ajouter M. Le Châtelier, oublient trop aisément que le XVIIe siècle fut celui de Pascal et de Descartes, un grand siècle logique et scientifique. Jamais l’esprit de rigueur et de géométrie ne régna plus souverainement sur les intelligences. Si l’on pouvait faire un reproche à la littérature classique, ce serait de répudier avec trop de rudesse ces puissances du rêve et de l’imagination