20 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
contiens le parfum de toutes les vertus. Tu me rappelles ces vases en forme de colombe où l'on mettait le baume qui servait à sacrer les rois. C'est pourquoi je me plais à te nommer précieuse et dorée entre toutes, et aussi, parce que, le soir où je t'ai dit adieu, tu m'as salué d'une de ces musi- ques au son de laquelle dansaient peut-être, avec un balancement ordonné comme un rite, tes jeunes gens et tes jeunes filles, et qui, parce qu'elle s'ex- halait de toi, m'apparaissait divine comme une harmonie descendue du ciel...
Après Conques, on ne peut plus goûter que des sensations de déclin. Du moins, sont-elles reposantes et -douces. Je revois le Lot, coulant à pleins bords, d'une épaisseur liquide et verte inima- ginable ; je revois surtout, aux portes de Ville- franche-de-Rouergue, flottant sur l'eau couleur de bronze d'un canal qui forme, à cet endroit, bassin, de grandes fleurs de nymphéa, d'une blancheur rêveuse, sacrée, extatique, mallarméenne... C'est à peine d'ailleurs si je puis découvrir en courant cette dure et tranchante petite ville, ses rues étroites et venteuses, ses maisons anciennes où même la Renaissance a l'air barbare, sa vieille chartreuse au cloître si beau, et sa cathédrale où l'on accède par un porche énorme et bas, d'une massivité toute mycénienne. Là aussi, l'on chan- tait. Des voix mâles, émouvantes et graves,
�� �