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LE MATADOR DES CINQ VILLES 3O5

avait un long comptoir, et derrière ce comptoir un système de deux grillages en fer disposés parallèlement, de telle façon qu'une personne entrant par la porte de la rue ne pouvait arriver au comptoir qu'après avoir remonté et descendu l'une après l'autre les deux allées comprises entre ces deux grillages. Ces sentiers de fer, qui assuraient d'une façon certaine le triomphe du droit sur la force, étaient bondés de gamins, la marmaille loqueteuse que nous avions vu jouer dans la rue. Mais non plus des gamins à présent ; de jeunes tigres, plutôt ! Une demi- douzaine environ étaient arrivés au comptoir ; les autres étaient massés derrière, et criaient et se querellaient. Par un trou ménagé dans le mur, à la hauteur du comptoir, des paquets de journaux étaient lancés sans interruption, des servants les saisissaient à mesure et les distribuaient en plus petits paquets aux gamins voraces. Ceux-ci jetaient en échange sur le comptoir de petits disques de métal, et filaient, filaient à toutes jambes comme si des démons les poursuivaient par une troisième porte, loin de ce pandé- monium, dans la rue où la nuit se faisait. Et sans cesse les papiers verts sortaient de l'ouverture du mur, et sans cesse ils étaient cueillis et emportés au loin par ces enfants affolés, qui semblaient devoir aller jusqu'à Aix ou Gand, et dont les ailes étaient leurs guenilles.

— Qu'est-ce que ces disques ? demandai-je.

— Les gamins sont obligés de venir les acheter dans la matinée, dit Buchanan ; vous comprenez, nous n'avons pas le temps de vendre cette édition au comptant.

— Eh bien, dis-je lorsque nous prîmes congé, je vous suis très obligé.

— Et de quoi donc, je vous prie ? demanda Buchanan.

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