Page:NRF 8.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

202 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Les expériences passées, jointes à notre longue séparation me font soufFrir des agonies que rien ne peut exprimer. Quand votre mère viendra, je lui demanderai adroitement et à brûle-pourpoint si vous avez été chez M""^ Dilke, car elle pourrait le nier pour me tranquilliser. — Je suis littérale- ment mort de fatigue, ce qui semble mon seul recours. Je ne puis oublier ce qui s'est passé. Quoi ?.. Ce ne serait rien pour un homme ordi- naire, et pour moi... c'est la mort. Je voudrais me débarrasser le plus possible de ce souvenir. Quand vous aviez cette habitude de flirter avec Brown, vous n'auriez pas continué si votre cœur avait senti la moitié seulement d'une des angoisses que le mien traversait. Brown, qui est un excel- lent homme, ne se doutait pas qu'il me faisait mourir à petit feu. Je paye à présent le résultat de chacune de ces heures ; et à cause de cela, malgré les nombreux services qu'il m'a rendus, quoique sachant son amitié et son affection pour moi, quoique à l'heure qu'il est, sans son assis- tance, je serais sans un sou, je ne pourrai le revoir ni lui parler ^ avant que nous ne soyons

' Il semble que cette extrême amertume ait dû coïncider avec une aggravation de l'état physique ; car il est clair que cette lettre fut écrite après la séparation de Keats et de Brown à Gravesend, qui eut lieu le 7 mai 18 19, et à l'occasion de laquelle il y a tout lieu de croire que les deux amis étaient toujours aussi étroitement unis. J'imagine que si l'occasion s'en fut présentée, Keats aurait revu Brown avec joie la semaine d'après.

�� �