Page:NRF 8.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

DÉCOUVERTES 249

Quand c'est l'hiver, en rentrant de l'école, il regarde aux boutiques, ou compte les lumières voilées de buée. Quand il pleut, il se donne le désespoir d'entrevoir au passage la grande détresse des cours et des couloirs. Aujourd'hui, c'est la rue qu'il aime. Il fixe en marchant le halo blond, là-bas, et les maisons qui pèsent moins lourd et ont l'air heureuses.

Qu'y a-t-il au bout de la rue, au carrefour ^ Une musique militaire qui passe ? des préparatifs de fête ? une bataille : Il s'attend à un événement; il en a besoin. Il se rappelle le printemps électoral de l'année dernière ; des hommes discutaient dans la rue, des journaux arrivaient qu'on s'arrachait anxieusement; il y avait de grandes affiches rouges, encore ruisselantes de colle et qu'il lisait avec tout le monde; c'étaient des proclamations très graves où l'on parlait du Peuple, des Citoyens, de la République et de la Nation, comme dans l'histoire de France. 11 évoquait tout de suite Mirabeau, les enrôlements volontaires, les Prussiens, et cela lui donnait un frisson qu'il aimait.

Le voici au carrefour : il n'y a rien; il n'y aura rien. C'était seulement dans l'air... C'est seulement dans sa poitrine.

Maintenant il s'enfonce dans le long couloir de sa maison. Tout au fond, la loge noire où somnole la concierge hydropique lui donne du dégoût et de la terreur : il pense à des rats.

�� �