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RÉFLEXIONS SUR LE ROMAN 239

qui n'aient poussé au noir, c'est-à-dire où tantôt les péripéties feuilletonnesques, tantôt les com- mentaires filandreux ne remontent embarrasser et assombrir les figures. Au contraire il arrive souvent que l'humour anglais ait ce résultat de faire vivre dans un roman le visage du romancier de façon plus vive et plus durable que celui de ses personnages : ainsi Sterne ou Dickens. Pareil- lement ce qui reste le prodige et le délice des romans de Voltaire, ce sont ces doigts infatigables, d'intelligence et de flamme, ces doigts de fée railleuse toujours aperçus sous les robes trans- parentes de leurs marionnettes, sous le Guignol de Zadig ou de V Ingénu.

Ensuite (et en conséquence) c'est un fait que Colomba^ Tères et Enfants^ Madame Bovary^ les trois romans que cite M. Bourget comme exem- ples de la forme préférée par Taine, n'ont pas aujourd'hui un grain de poussière, sont demeurés intacts sous le temps, sans feuilles mortes ni branches caduques. Pas une œuvre de Balzac ni de Walter Scott n'a conservé cette netteté ; pas une qui n'ait ses taches de rouille, celles de Balzac dans la déduction souvent pénible des événements, celles de Scott dans la convention banale des carac- tères principaux. La présence matérielle de l'auteur l'induit au bavardage et au remplissage. Au con- traire la forme impersonnelle a le mérite d'être une école, un effort, une discipline. Le roman objectif

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