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Zadig ne consistent qu’en succession d’épisodes. Ce sont des Sommes que les romans minutieux et patients de Marivaux, la Vie de Marianne et le Paysan Parvenu, C’est une Somme que la Nouvelle Héloïse^ composée à peu près, avec sa franchise de forme épistolaire, comme Anna Karénine. Manon Lescaut est à peine une exception, et Paul et Virginie compte ici vraiment peu.

La raison, elle s’aperçoit bien vite. C’est que le roman, pour l’âge classique, n’est pas précisément un genre. Il forme au-dessous des genres une sorte de milieu commun, vague, un mélange, une confusion, dont l’essence est précisément d’être ce mélange et cette confusion. Il se définit par opposition au genre privilégié, le théâtre, tragédie ou comédie, dont le principe est l’unité et la composition, et qui ne souffre, lui, ni mélange, ni désordre. On pouvait écrire, à quelques occasions, des comédies à tiroir comme Les Fâcheux ou Le Mercure Galant ; les tiroirs n’en étaient pas moins le contraire même du vrai théâtre. Au contraire les romans de Lesage, de Voltaire, de Rousseau, sont presque des romans à tiroirs, le Diable Boiteux et Zadig en sont tout à fait. Rien de plus commode que ces tiroirs, en effet, pour faire une somme, pour y vider des poches pleines. Tragédie, comédie, politique, pamphlet, musique, histoire, agriculture, larmes, rires, tout cela peut et doit se succéder dans un roman : le mélange de la prose