Page:NRF 8.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

232 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Bovary. Le frottement séculaire du rouleau admi- nistratif dans une petite ville normande y a détruit toute capacité d'événements dramatiques, y a fait les caractères émoussés, et le centre du roman n'est plus cette réalité d'action qu'étaient Achille et Ulysse, c'est au contraire un vide d'ennui en la personne d'Emma. Comme le roman de Don Qui- chotte fut conçu en un contre-roman, cette épopée typique de la France bourgeoise qu'est Madame Bovary fut imaginée en une contre-épopée. Elle est en même temps un contre-drame. Elle se relie à l'esthétique de Bouvard et Pécuchet quand ils préparaient la vie du duc d'Angoulème, et de Flaubert lui-même, cela va de soi, quand il écrivait Bouvard et Pécuchet.

Composer un état, c'est mettre son ou ses per- sonnages dans une situation morale tragique, et, comme ce tragique est probablement le sommet de l'art, il semble que le roman ait chance de trouver là l'occasion de ses chefs-d'œuvre. La Princesse de Clèves est la composition moins d'une intrigue et d'un caractère que d'un état. M. Bourget, qui a écrit tant de romans médiocres, a réalisé peut-être avec L' Echéance, l'œuvre la plus saisissante du roman dans ce domaine. Mais cette composition tragique, elle n'appartient au roman que par acci- dent, elle est le principe de la tragédie. Elle a sa place naturelle au théâtre. Cette forme qui devrait être, semble-t-il, la plus haute du roman, y est

�� �