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REFLEXIONS SUR LE ROMAN 221

dont tous les personnages eussent été des auto- mates saccadés, bâtis par principes, où l'on eût sauté avec effroi les pages d'esprit, comme celles de Graindorge^ ou comme, dans Etietine Mayran^ les tirades grinçantes et si douloureuses du cama- rade blagueur d'Etienne, du loustic de la pension Carpentier. Mais certainement on y eût rencontré des pages d'une masse et d'une gravité puissantes dont la musique nous soutiendrait encore : quelque figure visible, sous une forme ou sous une autre, — cabinet de savant ou bureau du ministère — de ces " petits faits " se dégorgeant innombrable- ment pour devenir sous l'esprit ordonnateur un système, un levier, une preuve; le tableau dont Taine nous donne comme le carton dans le para- graphe de la Révolution sur Roland et sa femme dépouillant le courrier de l'intérieur. (On s'aidera à le situer dans un roman si on se rappelle le beau chapitre de Cinq Mars où Vigny peint Louis XI II désarmé devant le terrible portefeuille des affaires). On y eût trouvé de superbes méditations dans une forêt, et comme finale quelque colossale figure de la science inhumaine, pareille à celle qui termine les Philosophes Classiques, ou à la Niobé du Voyage en Italie.

M. Bourget estime que Taine " eût créé un type nouveau de fiction, comme il a créé depuis un type nouveau d'histoire. Je vois en esprit les quatre ou cinq livres qu'il eût composés ainsi. J'en

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