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2l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

cier, l'enfance révèle une matière aimable, et l'adolescence dissimule un sujet ingrat. Il ne peut rendre sensible la transition de l'adolescence qu'en l'arrêtant, ordonner le désordre qu'en le suppri- mant. Evidemment nous ne savons pas ce qu'est, au fond, un enfant. Mais l'art dispose, pour créer des enfants vivants, d'une hypothèse commode, féconde, admirable : celle que le génie poétique est une enfance continuée, et que l'enfance est un génie poétique. Vraie ou fausse, cette hypothèse met, dans le roman enfantin, l'auteur de plain- pied avec son sujet. L'esprit d'observation et l'esprit d'invention, dont l'harmonie donne nais- sance au roman, bénéficient l'un et l'autre de conditions privilégiées : observation d'un sujet qui paraît si malléable et transparent, invention dont le ressort est le même que celui de la chose inven- tée, de la chose observée. Dans le Moulin sur la FlosSj qui me paraît l'œuvre la plus donnante et la plus saine, la plus belle rivière épique du roman au XIX® siècle, comparez cette abondante création de poète qu'est l'enfance de Maggie et de Tom avec les formes rapides, abrégées, qui demeurent seules pour nous indiquer leur adolescence. Et George Eliot en avait fort bien conscience, puis- qu'au sortir immédiat de l'enfance, elle les a fait mûrir tous deux par le malheur, les a soustraits à l'adolescence pour les jeter de suite dans la vie. Tandis que le roman de l'enfance épanouit

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