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l86 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

disait de lui, malgré cela : " Il ne nous donne pas assez à mettre sous la dent. " Ce qui peut avoir été dit avec raison, mais pas au détriment d'Emerson. — Emerson possède cette bonne et spirituelle sérénité qui décourage tout sérieux ; il ne sait abso- lument pas combien il est déjà vieux et combien il sera encore jeune, — il pourrait dire de lui avec le mot de Lope de Vega: " Yo me succedo a mi mismo ". Son esprit trouve toujours des raisons d'être heureux et même reconnaissant ; et quelquefois il frôle la sereine transcendance de ce digne homme qui revenait d'un rendez-vous amoureux tanquam re bene gesta. " JJt desint vires, dit-il avec reconnaissance, tamen est laudanda voluptas ".

Pour nous — je veux dire pour notre génération intellectuelle je crois que nous apprécions surtout d'Emerson son anti-intel- lectualisme. Nous lui savons gré d'avoir pensé " qu'une grande âme n'a que faire de la consistance logique " — whit conststency a great soûl has simply nothing to do — et de nous avoir présenté un univers qui ne soit pas mécaniquement montable ou démon- table comme " une machine à battre ", — le mot est, si je ne me trompe, de Paul Claudel, C'est parce qu'Emerson est, dans une certaine mesure et toutes proportions gardées, un précur- seur de William James et de Bergson que nous accueillons avec faveur ses divers interprètes, presque tous féminins, au surplus, parce que moins sensibles peut-être à son manque de formation classique.

C.V.

��LA LITTÉRATURE ET LES IDÉES NOUVELLES par Alexandre Mercereau.

" Un des grands défauts de la critique... est de juger sur le détail et d'exprimer l'ensemble d'après lui. Elle opère de la partie au tout, quand elle doit opérer du tout à la partie. Cela permet d'ailleurs beaucoup de malhonnêtetés et facilite consi-

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