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NOTES 177

bien évidente. Mais à quelque instant qu'on le prenne, il est aussi en train de construire avec ses mouvements une autre figure moins saisissable, pas encore achevée, et qu'on devine plutôt qu'on ne la voie. La première est d'une seule pièce ; elle est posée dans l'espace ; elle y resterait si nous avions le temps de l'inscrire sur la toile de fond en la cernant d'un trait de crayon. Mais l'autre, même quand elle sera complète, nous ne pourrons pas la dessiner, car elle restera dans le temps ; elle sera faite de mille gestes successifs, cousus ensemble comme le sont les minutes : tous les élans, tous les détours, toutes les volte-faces de la ligne qui l'aura brodée, ne s'enchaîneront que dans l'invisible et n'auront de sens qu'en imitant celui de nos souvenirs.

��C'est cette figure secrète et non pas l'autre qu'il nous faut admirer ; c'est d'elle que notre plaisir doit naître. Mais il est temps d'expliquer en quoi elle est admirable, d'avouer enfin par où la danse pure, ainsi dépouillée de tous ses ornements, de tout ce qui favorise sa séduction, nous paraît si délicieuse encore et si poignante.

Ah ! comment le faire comprendre à qui ne le sent pas déjà ? Mais est-il possible qu'un homme ne sente pas tout ce dont son corps est capable et qu'au seul mot de " mouvement " il ne soit pas troublé d'une passion physique ?

Il ne bouge pas encore, le danseur ; il a la tête un peu baissée, il écoute en lui toutes ces tendances, qui partent, éclatent, se taisent parce que ce n'est pas le moment encore. Il est là, il épie. Mais enfin la musique, comme un vase dont on attendait qu'il fût empli jusqu'au bord, soudain se trouve au niveau de son corps ; elle continue ; et voici qu'il part avec elle, sans effort, comme une vague qui se retire, emporte nos pieds. O sourire qu'il ne peut contenir ! ô liberté soudaine ! ô débat dans un

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